Le lâcher prise
Ne t’agrippe pas à ton shinaï, Relâche tes épaules, tu mets trop de force dans tes ushi… et la liste n’est pas limitative, que de fois nos sensei nous ont-ils prodigués ces conseils !
L’une (il y en a d’autres) des raisons est que nous transportons au dojo les soucis du monde extérieur, nous dirons du monde « profane » nous n’arrivons pas à nous relâcher, à lâcher prise (terme bien connu en sophrologie). Je vais vous narrer un petit conte japonais, que certains connaissent certainement, et qui illustre parfaitement le lâcher prise.
Il était une fois, dans le japon médiéval deux moines qui cheminaient, pour être plus exact, un moine et un moinillon, ils marchaient en silence. Arrivant près d’un cour d’eau, ils virent une geisha, qui le kimono relevé à auteur des genoux tentait de traverser le ru en poussant des petits cris effarouchés. Pris de compassion le vieux moine s’approchant lui demanda ce qu’il pourrait faire pour elle, « me faire traverser ce ruisseau sans que je mouille mes vêtements » lui répliqua la donzelle ! Aussitôt dit, aussitôt fait, le vieux moine empoigne la donzelle et la porte sur l’autre rive. Notre geisha, forces courbettes à l’appui, le remercie chaleureusement et s’en fût.
Notre moine regagna sa rive et son moinillon, continua de cheminer en silence, pendant tout ce temps notre novice passa par toutes les couleurs de l’arc en ciel, manquant presque de s’asphyxier. Le moine marchait devant sans manifester la moindre émotion, ni se rendre compte de ce qu’il avait provoqué chez son compagnon en prenant la courtisane dans ses bras. Plusieurs lieux plus loin, marche accomplie dans un silence pesant, notre moinillon n’y tenant plus, rouge de confusion, s’approche de son maître et lui tint ce langage :
Maître, mon maître comment avez-vous pu ? Les mots avaient du mal à sortir, comment avez-vous pu tenir cette courtisane dans vos bras ?
Le moine interrompant sa marche, regarda gravement son élève et lui dit :
Je n’ai tenu cette femme que quelques secondes dans mes bras, toi cela fait 4 heures que tu la portes !
Voici une belle illustration du lâcher prise, voila ce qui arrive quand on s’arc-boute. Déjà sur le chemin qui mène au dojo, faite le vide, laissez-vous envahir par une vacuité bienfaitrice, imagine-t-on remplir un verre s’il est déjà plein ? Videz le superflu de votre être pour laisser de la place à l’enseignement qui va vous être dispensé. Conditionnez-vous avant, arrivez détaché au dojo, les épaules seront moins crispées, le shinaï sera plus léger et vous aurez une plus grande disponibilité.
Vous voyez c’est simple, il suffit de commencer demain, je parle du lâcher prise, pas de prendre une geisha dans vos bras. quoi que… Cela peut également se décliner au féminin, il suffit de remplacer les moines par des nones, et la geisha par un samouraï qui craint de mouiller le bas de son hakama!