Kurai: une illustration
Je me souviens d’un épisode de ma jeunesse qui illustre bien la notion de kurai. Maître Tsuzaki était l’un de nos professeurs à Busen. Juste avant le grand tournoi de kendo de Kyoto, le Kyoto Takai, de nombreux pratiquants accourraient de tout le pays pour prendre quelques cours à Busen et grapiller des conseils auprès des professeurs réputés de l’école. L’un deux vint faire un combat avec maître Tsuzaki. Il était plein d’énergie et d’une belle détermination, mais avant de comprendre ce qui lui arrive il était à terre. Maître Tsuzaki le pressa de se relever, mais la même chose se produisit. Il n’eut aucune occasion, il ne pouvait rien faire tant il était écrasé par la prestence et l’habilité de maître Tsuzaki. Même les gens qui se tenaient dans la queue pour l’inviter à un combat semblaient paralysés par sa présence.
Mais quand maître Tsuzaki affrontait son mentor, maître MOCHIDA Moriji, 10ème dan hanshi, les conditions étaient inversées. C’était au tour de maître Tsuzaki d’être dominé par la puissance du ki de maître Mochida. Maître Tsuzaki était réputé pour ses techniques de katsugi, mais à l’instant précis où il escomptait lancer une telle attaque, pof, maître Mochida lui asséna un kote avec une aisance absolue. Puis, alors que maître Tsuzaki se déplaçait pour préparer une attaque, maître Mochida s’avança d’un pas souple pour lui asséner un katate-tuski parfaitement millimétré. Maître Mochida n’imposait absolument pas sa supériorité, au contraire il profitait de chaque ouverture laissée par son adversaire qui n’avait aucun moyen de riposter. C’est là que j’ai compris ce qui signifiait contrôler un adversaire avec le kurai. C’était clair comme le jour.