La pitié du bushi
Je vais vous raconter une histoire intéressante. Dans les règlements du kendo, il existe un article qui donne une pénalité si le shinai tombe des mains pendant le combat (shinai-hanashi). Bien que cette pénalité soit rarement infligée de nos jours, selon les règles d’arbitrage Hansoku-Ikkai doit être annoncée à tout combattant qui commet cette faute. Il paraît qu’au moment de proposer ce point de règlement, un maître avait déclaré qu’il fallait compter Ippon plutôt que Hansoku-Ikkai, puisque le simple fait de laisser tomber son sabre aurait signifié la mort sur un champ de bataille. De nombreux professeurs acquiescèrent et demandèrent l’avis de maître OGAWA Chutaro. C’est sans hésitation que maître OGAWA répondit: « c’est la pitié du Bushi (NdT: Bushi no Nasake). »
Que penser de cet avis? Selon les règles d’arbitrage, une frappe effectuée juste après que l’adversaire a laissé tomber son shinai est une frappe valable. Cependant, à la lumière de cette histoire, pouvez-vous toujours frapper un adversaire sans arme? Ne devrions nous pas plutôt laisser notre adversaire face à son échec et attendre qu’il reprenne son shinai au lieu d’essayer de le frapper comme si c’était la meilleure façon de l’emporter? Un vrai Bushi n’est-il pas sensé agir ainsi?
Réfléchissez-y sérieusement. Si le shinai était un véritable sabre, quel genre de kendo pratiqueriez-vous? Tueriez-vous un adversaire au moindre moment d’inattention de sa part? Si oui, vous ne seriez alors qu’un meurtrier. Je pense que toutes ces questions sont un peu philosophiques et vous pouvez vous demander quelle peut bien être la bonne réponse. La réponse dépend à la fois de votre conception du kendo et de la façon dont vous la confronter. Mais n’est-ce pas une bonne idée que de pratiquer le kendo toute sa vie afin de chercher la réponse?