Savoir revenir aux fondamentaux…
Voici maintenant de nombreuses années que j’apprends (sic) le kendo, et je réalise aujourd’hui combien cette discipline est difficile à maîtriser. Ceci dit, c’est la même chose quel que soit l’objet d’étude. Si vous cherchez à améliorer et à comprendre les vérités profondes sous-jacentes à votre objet d’étude, les progrès ne sont jamais très fulgurants et il n’est jamais facile d’atteindre l’étape suivante de votre quête. Ceux qui cheminent sur la voie du kendo éprouvent en permanence ces obstacles et ces frustrations bien réels. Bref, notre kendo est une histoire qui a, certes, un commencement, mais qui n’a pas de fin.
Comparé à d’autres arts du budo et même à d’autres sports, le kendo dispose d’une palette de techniques remarquablement limitée. En fait, il n’y a fondamentalement que 4 cibles. Les adversaires se font face, se déplacent en toutes directions et tentent de réaliser, à l’aide d’un shinai, une frappe valable sur l’une de ces cibles. Mais, si vous ne recherchez qu’une maîtrise technique pour marquer des points, vous ne serez jamais en mesure de vous attaquer au très grand mur qui se dresse sur la voie de vos progrès.
Lorsque j’ai à faire face à un mur qui me barre le chemin du progrès, je me dis toujours: reviens aux fondamentaux! Cela signifie concrètement retrouver un cœur plein d’honnêteté (sunao no kokoro). Lorsque l’on est engagé dans un processus d’apprentissage, avoir un cœur honnête est la seule façon de pouvoir recevoir les conseils et les enseignements dont vous avez besoin pour vous améliorer.
Si vous êtes capable de toujours conserver cette attitude, vous aurez toujours l’état d’esprit de kyudoshin (conviction dans la quête de la Voie). Je crois que le vieil adage sanma-no-kurai de l’école Yagyu-ryu (école d’escrime traditionnelle) est très pertinent en kendo moderne. Il renvoie aux trois étapes du processus d’apprentissage. La première étape est de trouver un bon enseignant. C’est probablement la chose la plus importante. La plupart de gens qui continuent à pratiquer le kendo ont leur sensei attitré, qu’ils respectent, et dont ils continuent de suivre les enseignements tout au long de leur vie; enseignements qu’ils chérissent comme un trésor. Cela est vrai pour les débutants comme pour les haut-gradés. « Déboucher sur une impasse dans sa pratique et se heurter à un mur« … est chose fréquente en kendo. Lorsque vous n’avancez plus, c’est votre sensei qui vous offre les bonnes paroles et les conseils qui vous aideront à repartir de l’avant.
Tout un chacun aime à penser être toujours dans son bon droit, mais il est difficile d’atteindre ses objectifs si l’on se fourvoie dans la mauvaise voie. L’école Shinkage-ryu enseigne la notion de kufu (concevoir des itinéraires, des trajets) et de renma (l’entraînement). Même si vous vous entraînez intensivement, les choses peuvent ne pas se passer comme prévues. Par exemple, vous rencontrez des difficultés à passer un grade. Quand ça arrive, vous devez sérieusement revoir votre kendo, en toute honnêteté avec vous-même: demandez-vous ce qui ne va pas et recommencez. De même, vous vous entraînez avec persévérance, mais vous êtes incapable de vous débarrasser de vos vieilles habitudes… le meilleur conseil que l’on puisse donner à ceux qui souffrent de ces situations est de revenir aux fondamentaux. Et même là encore ce n’est pas facile: certains kenshis de haut niveau (6ème et 7ème dan) se demandent à quel niveau du kihon ils doivent revenir… La réalisation d’une technique (oyo) découle de l’apprentissage d’un kihon correct. Si vous pensez que pour revenir aux fondamentaux il suffit de revoir quelques techniques avancées, alors vous foncez droit vers un gouffre. Quand je dis de revenir aux fondamentaux, ça signifie clairement reprendre les bases les plus élémentaires du kendo.
Les origines du kendo se trouvent dans le kata. C’est durant l’ère Tokugawa, il y a 300 à 400 ans, que l’escrime avec armure de protection a été développée comme méthode d’entraînement. Elle venait s’ajouter à l’entraînement par le kata. C’est ainsi que le plaisir procuré par la possibilité de s’engager dans un affrontement à frappe réelle a supplanté l’exigence de maîtrise du kata. On néglige, encore aujourd’hui, le kata. Il est donc sage de réfléchir à nos fondamentaux et de revenir aux racines du kendo.
Je pense que ces racines, les aspects les plus élémentaires du kendo, se trouvent dans les suburi et dans la constitution d’une garde (kamae) indestructible. Nous faisons du kendo parce que nous avons un shinai (katana). S’il n’y avait pas de shinai, il n’y aurait pas de kendo. C’est un concept tout simple, mais beaucoup de gens semblent oublier qu’être totalement familier avec le shinai est la seule et unique façon de progresser en kendo. Si vous êtes bloqués, les suburi sont une manière très efficace de briser le mur. « Des suburi à vie » est un vieil adage que les grands sensei du passé savaient mettre en pratique. Faites des suburi jusqu’à ce que le shinai devienne comme un prolongement de votre corps. L’ancienne maxime hyakuren jittoku est l’équivalent du proverbe « remettre cent fois son ouvrage sur le métier ». Autrement dit, il faut pratiquer encore et encore d’un cœur honnête.