le sutemi-no-men de Maître Narazaki
En 1972 lors de la victoire qu’il remporte au tournoi de Meijimura, son attaque men est qualifiée de sutemi-no-men, c’est-à-dire attaque men en se détachant du souci de sa sauvegarde. L’expression sutemi est parfois utilisée pour désigner une attitude téméraire, mais dans ce cas précis, elle désigne le fait de s’investir totalement dans un moment décisif, en abandonnant toute pensée personnelle. Avant de lancer l’attaque, M.Narazaki fait monter la tension entre lui et son adversaire en accumulant les potentialités d’attaque, puis attend jusqu’à ce qu’une défaillance se présente chez son adversaire. Lorsque celle-ci se produit, il s’investit totalement. Pendant le temps d’échange préalable, il attend jusqu’à ce que l’occasion soit construite, il ne lance aucune autre attaque légère.
« Quel que soit le niveau d’un adepte, il y a toujours une chance » dit M. Narazaki. Cela veut dire qu’en accumulant la tension et en repoussant l’adversaire par le ki, celui-ci montrera un moment donné une défaillance. L’important est d’attendre jusqu’à ce moment. Mais il ne faut laisser aucune raideur apparaître pendant cette attente. Voici quelques points importants que M.Narazaki indique :
- Il faut prendre le centre en combat, mais si vous appuyez fort d’un côté, l’adversaire pourra prendre votre centre par l’autre côté. Il ne faut pas confondre le fait d’appuyer sur le shinai de l’autre avec la prise du centre.
- Il précise aussi qu’il faut, en kendo : « regarder l’adversaire comme si on regardait une montagne lointaine ». Lorsque l’adversaire mène son combat à distance proche, chikama, si vous le situez mentalement au loin, comme si vous le voyiez effectivement au loin, vous pourrez continuer à mener le combat comme si la distance était habituelle.
- Il faut regarder l’adversaire sans préjugés. Quel que soit son niveau, il faut chasser de votre esprit toute considération sur son niveau, sa technique favorite etc… Pensez au poème du moine zen Dôgen :
Nombreux sont les gens
Qui passent sur le pont de Gôjô,
Vois-les, chacun tel qu’il est.
Ce poème condense peut-être une des idées directrices de la vie de Maître Narazaki.
d’après un portrait du Maître par Kenji Tokitsu
et avec l’aimable permission du McGill University Kendo Club
remerciement à D. Charlemaine